Ah ! l’anglais , langue si convoitée, étudiée, et recherchée mais aussi si redoutée, appréhendée et évitée ! Sans oublier l’incontournable liste des effets secondaires de son apprentissage : « O rage, ô désespoir… ! Je n’y arriverai jamais ! » clamé telle une tirade en France ou « Je n’aime pas l’anglais ! » fréquemment entendu au Japon ! Bien que l’aspect obligatoire de la langue, imposée et non désirée, ait un impact direct sur les dispositions de l’apprenant à son insu, ses résistances personnelles aussi sont instinctivement activées ; plus qu’une hostilité envers l’anglais, ne s’agirait-il pas plutôt d’un manque de confiance en soi ? Des symptômes , des syndromes en vrac, le tout ferait la joie des amateurs de psys, tentés de suggérer : « Allongez-vous et racontez-moi tout mais…en anglais. » Réveil brutal ! « Ah ! toujours le professeur ! » Sans l’aide de remède palliatif, le professeur, devenu caméléon des désirs d’autrui, s’éclipse pour laisser apparaître un autre personnage, acteur et simulateur de situations très chargées en émotions. Est-il réalisable, sans le support d’une méthode, de créer le désir de communiquer, uniquement à partir d’une connaissance commune, partagée entre l’élève et le professeur ?
Daniel Woods, un Américain, envoyé en investigateur auprès des écoles primaires par la mairie de Yokohama, observe les cours d’anglais conduits en japonais par un étranger à Tokyo et en anglais à Osaka. Les enfants interagissent dans l’instant, ou en éclatant d’un rire moqueur lorsque le professeur étranger parle japonais ou en affichant une attitude ennuyée lorsqu’ils doivent écouter et répéter la leçon d’anglais. Certes le signe irréfutable des faits dont Daniel va s’ inspirer et d’où émergera un cours international en anglais, donné par un instructeur étranger sur la culture de son propre pays. La star est l’élève et l’instructeur va guetter toutes ses moindres réactions d’intérêt en développant les points culturels connus des élèves vers de nouveaux rivages, les faire voyager et les surprendre ! Lorsqu’une émotion secoue la classe entière et provoque un raz-de-marée d’indignation, sur un ton désapprobateur et moralisateur , par exemple au sujet des animaux aimés des Français, en particulier le gibier, amour parfois cruel, (enfin, tout se transforme et rien ne se perd dans la chaîne alimentaire), l’effet escompté est palpable ; la classe s’agite, parle et communique. La communication non verbale, dite silencieuse, riche en expressions faciales, le langage gestuel, l’intonation invitent chaque élève à commenter, à jouer et à deviner comme dans une salle de vente aux enchères : « Adjugé à… Qui dit mieux ? » Joe, un instructeur ghanéen, personnalise son introduction en comparant les salutations et les mots cordiaux des deux pays. « Alors, au Japon, on incline la tête de quel côté ? En arrière ou sur le côté ? » « Mais quel maladroit ce prof ! » Prise de compassion, amusée par cette scène, la classe entière le reprend et l’instruit en japonais et …en anglais. Ou bien encore dessinez le drapeau japonais en y mettant un triangle au centre, référence du Mont Fuji, les réactions ne se font pas attendre ; on enchaîne avec un carré, après tout, c’est bien une forme géométrique, les enfants consternés mettent toute leur énergie à guider ce prof complètement « perdu ». C’est l’art de faire monter les enchères : qui dit mieux, qui le sait… ? Devant les esprits enflammés, le professeur va déployer la leçon, la construire pièce par pièce avec la même concentration qu’un chirurgien lors d’une opération : un coup de scalpel maladroit au mauvais endroit et l’horreur peut arriver tout de suite. De même, les enfants, eux, affaissés sur leur chaise vont rétorquer : « Je ne comprends pas ! » Des incidents et incompréhensions, au cours de la leçon, peuvent aussi intervenir entre l’instructeur étranger et l’instituteur japonais, tant que subsisteront ces questions : « Pourquoi n’ intervient-il pas maintenant ? » « Comment lui faire comprendre ? » Ce n’est pas logique… On émet des jugements pour se rassurer. A cette question, Daniel, l’auteur de ce programme, n’a pu résister à répondre : « Mettez un gyrophare sur votre tête et faîtes-le clignoter dans ce cas-là ! » Bonne réponse à une question sur un faux problème ; pourquoi ne pas montrer, suggérer, offrir une belle part d’improvisation à l’instituteur, sachant que titillé, chahuté, il saura aussi surprendre sa classe ? Le doute vient de nous…Vouloir tout contrôler pour mieux faire : lâchons prise, « let it go ». Après avoir découvert le fruit du cacaoyer et les animaux d’Afrique et du Ghana en images, à travers le vécu immédiat d’une aventure reconstituée par une grande feuille de papier posée à même le sol ; le « Safari Park » est ouvert ; des empreintes d’animaux dissimulées sous la feuille apparaissent et les élèves partent sur la trace des animaux. Exotisme garantie. Sur un ton plus théâtral, l’art de la table en France : un élève manipule des verres et des ustensiles sous le regard du professeur devenu sommelier, qui s’amuse à ses dépens. Sous le feu de l’action, les élèves pris dans le jeu d’une histoire culturelle, témoins de l’amusement de leur professeur, jubilent de cette complicité établie entre les trois protagonistes, eux, compris. Ils s’entendront dire qu’ils ont néanmoins compris, réellement tout le cours en anglais…Mais comment ? Ils n’en ont aucune idée puisque rien n’a été traduit. L’harmonie…un état difficilement atteint lorsqu’on veut forcer les événements.
Daniel Woods, initiateur de ce projet, désapprouve le mot « shō ga nai » signifiant « there’s no way », pas un simple mot mais un concept au Japon. Aidé par son pragmatisme entreprenant, sa nouvelle approche sur la communication a montré l’autre face d’un nouveau concept « there’s always another way ».
Par Pascale Batori
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