Lorsque je suis arrivé au Japon, il y a de cela bientôt quarante ans, il n’y avait pas d’ordinateurs personnels ni de traitement de texte. Les téléphones n’étaient pas intelligents, ils n’étaient même pas portables, et le fin du fin de la technique à l’époque consistait à passer des appareils noirs de bakélite, à cadran rotatif, à d’autres en couleurs avec des boutons à pousser et même quelquefois de petites lampes pour montrer les lignes occupées.
Il n’y avait pas de mail, bien sûr, et pour communiquer avec la France, on devait utiliser le « telex » avec des bandes perforées. Pour communiquer en japonais avec un tel instrument, il fallait soit écrire en romaji soit en katakana et je ne sais pas lequel était le pire à lire. Les Japonais eux-mêmes n’aimaient pas les textes en katakana et ils préféraient de beaucoup utiliser un moyen moderne beaucoup plus facile qui était le fax. On écrivait à la main et on passait le résultat dans la machine. Toutes les sociétés en étaient équipées à ce moment-là alors qu’en France, on ne savait même pas que cela existait.
Dans les bureaux français, l’équipement de base était la machine à écrire dont la plus fameuse était la machine IBM à boule. Les photocopies étant encore chères et malcommodes, pour faire un rapport en plusieurs exemplaires, il fallait mettre des carbones sur sa machine et si on avait le malheur de faire une faute de frappe, il fallait aller mettre du typex sur toutes les copies. Aussi j’étais très curieux de voir comment les Japonais se débrouillaient pour produire des textes dactylographiés et j’ai été très surpris de découvrir, que fondamentalement, ils ne tapaient pas. Ils écrivaient à la main et faisaient en cas de besoin des photocopies. Les fabricants d’équipement de reprographie japonais étaient parmi les plus avancés au monde.
Il n’est pas tout à fait exact de dire que les Japonais ne tapaient rien à la machine, les contrats par exemple étaient dactylographiés ; cela avec une fantastique machine que l’on ne doit plus trouver que dans les musées de nos jours: cela s’appelait une wabuntaipu. Au lieu d’avoir comme chez nous une cinquantaine de touches qui généraient la frappe d’un signe sur un mince rouleau, il y avait une grande plaque avec environ 3000 caractères. Il fallait en désigner un avec un curseur et on appuyait sur l’unique touche qui allait chercher le caractère dans son logement, le frappait sur un large rouleau avant de le remettre à sa place. Inutile de dire que la vitesse de frappe n’avait rien de fantastique mais ce n’était pas grave car les contrats étaient très courts et ne dépassaient jamais une page et demie. Sur du papier légèrement gaufré, on écrivait à gauche que les deux parties avaient décidé de faire des affaires ensemble, qu’elles le feraient de bonne foi et règleraient leurs différends par la discussion. A droite on mettait les noms des signataires, ensuite couverts du rouge de leurs sceaux et de ceux de leur compagnie. En bref, il y a quarante ans, on écrivait presque tout à la main.
J’étais fasciné par les différentes écritures de mes collègues japonais. Venant d’un pays qui attache beaucoup d’importance à la graphologie, je me disais qu’étant donné la variété de styles que l’on rencontrait suivant les personnes, il devait être facile de les connaître et de les analyser simplement en regardant leur écriture. Mais pas du tout, la graphologie est à peu près inconnue dans ce pays.
Les styles étaient fascinants, certains écrivaient en pattes de mouche, de tous petits caractères bien carrés et facile à lire. D’autres prenaient beaucoup de place et n’hésitaient à détruire leurs idéogrammes comme on dirait en japonais, prenant des raccourcis difficilement reconnaissables. Un des jeunes employés de la société avait une très belle écriture. Lorsque nous sortions tous ensemble pour aller jouer au bowling, c’est toujours à lui que l’on demandait d’écrire le tableau des résultats. Je me demandais comment il fallait faire pour arriver écrire de beaux caractères et pour éviter l’apparence désespérément enfantine des idéogrammes tracés par des étrangers, les miens y compris. En fait, cela m’a pris longtemps pour comprendre, plusieurs années à faire de la calligraphie ; pour maîtriser les différentes formes de traits, l’équilibre du caractère, savoir ce que l’on peut déformer et ce qu’il ne faut pas faire, assimiler l’ordre des traits et la manière de les relier. Il m’a fallu du temps mais je suis très fier du résultat et on ne repère pas d’emblée la patte du gaijin dans mes écrits, en tous cas pas avant d’avoir atteint la première faute de grammaire.
L’idée que l’on pourrait un jour parler à distance en voyant sur un écran son interlocuteur était de la science-fiction, aussi peu vraisemblable que par exemple écrire un caractère sur une machine qui vous dirait automatiquement comment il se prononce et ce qu’il veut dire. Quant au fait que cette machine pourrait être suffisamment petite pour tenir dans une poche et qu’elle permettrait en plus de parler, de prendre des photos, d’envoyer des messages et même de traduire automatiquement des textes, était tout bonnement pas imaginable.
Par Pierre Sevaistre
和文タイプ
およそ40年も前になりますが、私が日本で暮らし始めた当初は、パソコンもワープロもまだ存在しませんでした。電話も高度な機能のない固定電話のみ。当時の最先端技術といえば、黒いベークライトのダイヤル式電話からカラーのプッシュホンに移行し、中には話し中を示す小さなランプが点灯するものがある、という程度でした。
もちろん電子メールもなかったので、フランスと通信するには穿孔テープの「テレックス」を使わなければなりませんでした。この機械を使って日本語で通信するには、ローマ字かカタカナで書く必要があり、どちらも読みにくいものでした。当の日本人でさえカタカナの文章を嫌い、ずっと簡単で近代的な、ファックスという通信方法を好んで多用しました。手書きの原稿を機械に通すのです。当時、あらゆる会社にファックスが備え付けられていました。フランスではそんな機械の存在は知られてもいなかったのですが。
フランスのオフィスで一般的に使われていたのはタイプライターで、中でも最も有名だったのがIBMのセレクトリックタイプライター(別名ゴルフボールタイプライター)です。コピー機はまだ高価で使いにくいものだったため、報告書を複数部必要とするときは、タイプライターに複数のカーボン紙を差し込む必要があり、不幸にもミスタイプをした場合にはすべての写しを修正液で直す羽目になりました。ですから、私は日本人がどのようにタイプされた原稿を生み出しているのか興味津々となり、基本的に日本人はタイプしない、ということを発見して仰天しました。日本人は手書きの原稿を必要に応じてコピーしていました。当時日本の複写機メーカーは、世界で最先端を走っていたのです。
ただし、日本人がまったく文章をタイプしていなかったというわけではなく、例えば契約書はタイプされていました。それも、今となっては博物館でしかお目にかかれない、素晴らしい機械で。その機械の名を、和文タイプといいます。欧文用のタイプライターのように、50ほどのキーを細いローラーに打つのではなく、大きなボードの上におよそ3000文字がならぶというものでした。カーソルでひとつの文字を選び、ひとつしかないキーを押すと活字がバケット部からピックアップされ、大きなローラーの上にタイプされてから元の位置に戻されるという仕組みです。これでは無論タイプのスピードに期待できるべくもありませんが、契約書というものは極めて短く、1ページ半を超えることは決してなかったので問題ありませんでした。薄く模様の入った紙の上、左側には当事者双方が誠意をもって共に事業を行い、紛争は話し合いで解決する旨を記載。右側には署名者の名前を記載し、署名者の印と社印が押されました。要するに、40年前にはほとんどすべての文書が手書きだったのです。
私は同僚の日本人たちの筆跡の違いに夢中になりました。筆相学を重視する国からやって来た者として、私は人によって書く文字のスタイルが多様であることから、筆跡を見るだけでその人のことをたやすく分析できるだろうと思っていたのです。しかし考え違いでした。日本では筆相学など、ほとんど知られていなかったのです。
さまざまなスタイルは魅力的でした。真四角で読みやすい文字をこまごまと書く人。表意性を損なうほどに元の文字を略して大きく書く人。会社にはひとり、とても字の綺麗な若い社員がおり、皆で一緒にボーリングをしに行くときにはいつもスコア表を書く係を頼んでいました。私はどうすれば自分を含む外国人の書く絶望的に子供っぽい漢字ではなく、美しい文字を書けるのかと自問しました。実際、何年も書道を習った末にようやく、さまざまな筆致や文字のバランスを習得し、文字を崩してもよいことや、文字を書くときにしてはいけないことを理解し、書き順や画のつなぎ方を身につけるに至りました。時間はかかりましたが、その成果には非常に満足しています。今やパッと見では“ガイジン”の書いた文字だとは思われないほどです。少なくとも、文法の間違いが発見されるまでは。
画面越しに相手の顔を見ながら話ができるなどという考えは、SFの世界の話でした。同じく、例えば文字を書くと同時に自動的に発音や意味までも教えてくれる機械など、ありえないことだったのです。実のところ、この機械はポケットに入るほど小さく、さらに電話をかけることも、写真を撮ることも、メッセージを送ることも、さらに文章の自動翻訳までできることになろうとは、まったく想像もつかないことでした。
ピエール スベストル
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